Coal me e-mail

À l’heure où le numérique et Internet sont pour nous des outils incontournables, la question est de savoir où sont stockées ces données ?

Toutes nos actions sont imperceptibles, mais d’où provient cette facilité d’agir ?

La communication se fait avec tellement d’aisance qu’on ne mesure plus nos échanges.
À savoir,
204 000 000 000 de mails en moyenne envoyés chaque jour.

Néanmoins, ils ne sont pas aussi légers qu’on veut bien le croire. Lorsque nous échangeons nos mails, ceux-ci sont stockés dans des « Clouds » et passent dans plusieurs data-centers de la planète en une fraction de seconde.

:feu:
:étoile:

Contextualisation.

Pour permettre aux personnes du monde entier de stocker leurs données dans ce joli mot qu’est le Cloud/nuage, il est nécessaire d’avoir des serveurs opérationnels 24h/24 et 7J/7 et donc des data-centers. La phobie des gestionnaires d’informations se traduit par la crainte d’un crash informatique, c’est pourquoi il leur faut trois répliques de fichiers. Pour éviter ce problème, il est obligatoirement requis de climatiser le bâtiment en permanence afin qu’il n’y ait pas de surchauffe et de bug général. La demande d’énergie est tellement importante que les centrales nucléaires et énergies renouvelables ne sont plus suffisantes. Ils ont donc trouvé un moyen profitable et lucratif, la réouverture des centrales à charbon.

Dans le cadre de ce projet, il est important de faire intervenir plusieurs éléments. Il est judicieux d’évaluer l’impact de nos échanges, un mail équivaut en moyenne à 1 gramme de CO2. Mais que stockons-nous ? Spams/Notifications/Boîte personnelle. Quand on fait le compte, les réels dialogues ne sont pas les éléments les plus importants de notre boîte. Je veux donc remettre en question la quantité et la qualité de ceux-ci ainsi que les conséquences à des milliers de kilomètres de là où nous les écrivons et les recevons. Même s’ils sont imperceptibles pour nous, leur répercussion l’est réellement.

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Démarche.

Dans un premier temps, je me suis interrogée sur la notion de communication en elle-même. Son évolution à travers le temps.
Entre le télégramme, le courrier ou encore la lettre close par un sceau de cire, je voulais savoir comment on en est arrivé à cette abondance. J’ai constaté une dualité entre la lettre scellée qui ne peut être ouverte que par une seule personne et le même mail qu’on envoie à une grande quantité d’individus.

J’ai analysé ces deux constatations . Le sceau m’a semblé intéressant par son authenticité. Une lettre, signée de la main d’une personne qui ne peut être ouverte que par une personne. Et le même mail qu’on envoie en masse. Dans la continuité, j’ai examiné le contenu de boîtes de réceptions. Celui-ci est très redondant et abondant. La personne visée est appâtée par l’en-tête. Si elle est alléchante, alors la cible se rapproche du but en ouvrant le mail. Ce qui explique que les smileys sont de plus en plus présents. En fonction de la période, de la marque, et du sujet qui le reçoit, celui-ci est choisi scrupuleusement. Il m’a parut évident d’exploiter cet aspect. Nous ne sommes plus une personne mais une cible commerciale définie par un émoji. J’ai voulu exploiter ces deux pistes, d’une part les smileys et le contenu abondant et d’autre part le sceau qui représente la singularité.

En outre, une autre question se pose, quelles sont les conséquences de nos mails ? Après différentes recherches, j’ai constaté que la demande d’énergie était de plus en plus croissante quant à la popularité du numérique. Entre la notion de Cloud qui est immatérielle pour les consommateurs et les mines à charbon qui refont surface, j’ai voulu rendre visible l’invisible. Je suis d’abord partie sur trois angles différents ; le sceau de cire, le charbon et les smileys.

La cire se fond, le charbon se brûle et le Cloud surchauffe.
J’ai réalisé différentes expérimentations qui m’ont progressivement amenées à faire le lien entre le tout. Graver les smileys dans le charbon pour les encrer dans la cire et ensuite les exploiter différemment.

:yeux_en_coeur:
Impression thermique. Format fermé : 55x78 mm

La mise en page de l’édition est saturée et brouillée pour représenter l’abondance. Le projet est en noir et blanc, en opposition aux nombreuses couleurs qu’on peut trouver dans une boîte mail. La longueur du format est dans le but de rendre grand ce qui paraît petit. Ainsi, quand on voit l’édition d’un premier abord, elle est moindre, mais quand on prend la peine de regarder plus loin elle est conséquente. Enfin, c’est à l’imprimante thermique qu’elle a été imprimée.

Impression thermique. Format fermé : 55x78 mm

Un autre aspect que j’ai voulu montrer est le côté impersonnel d’un échange à sens unique, ainsi que la masse. Nos mails publicitaires sont composés d’un «Bonjour cher(e) Prénom» et puis le contenu. J’ai voulu mettre cela en évidence par la création d’une adresse mail avec un nom absurde résultant d’un coup de main aléatoire sur le clavier. De la sorte, il y a une remise en question quant à l’échange. ex : De: Google no-reply@accounts.google.com

Prénom : lakzjdnalkzje
Nom : kxnzbkjzeb
Mail : lakzjdnalkzjekxnzbkjzeb@gmail.com

À partir de la création de cette adresse, j’ai arrêté de m’inscrire avec mon mail personnel sur les sites internet qui exigeaient une connexion pour accéder à leur contenu. Cependant, pour que ma piste soit pertinente, j’ai examiné la boîte de différentes adresses.

Impression thermique. Format ouvert : 55x7800 mm

Pour le fond, j’ai consulté lakzjdnalkzjekxnzbkjzeb@gmail.com, ma boîte personnelle et d’autres appartenants à des personnes aux profils différents. J’ai retravaillé le contenu que j’ai capturé pour l’intégrer dans la mise en page. J’ai réalisé des dérivés de smileys par différents moyens ; monotype, linogravure, écriture au charbon, encrage sur charbon, impression thermique, sceau de cire et captures de smileys d’en-têtes. Tous les smileys utilisés ont été trouvé dans la case «objet».

Démonstration d'un visuel et d'une intégration du sceau de cire.
Démonstration d'un visuel et d'un smiley imprimé à l'imprimante thermique puis ré-intégré dans la composition.
Musique : 02 DMX Krew - All Aboard [BREAKIN RECORDS]

Pour rendre visible l’invisible, j’ai voulu remettre en question la notion de Cloud et l’utiliser au sens propre. Rendre apparent ce qu’il y a dans notre boîte mail, en confrontant ce qu’on reçoit et en les projetant en grand sur des façades. Celles-ci sont à la vue de tous. Le rythme de la projection varie, tel que l’affluence. Les fumigènes font allusion à la notion de nuage de pollution, et sont là pour encombrer et brouiller l’information. Les voix qu’on entend sont des lectures de mails effectuées par un ordinateur. De la sorte, je pose le doute quant à l’interaction qu’il y a entre la cible et ce mail qui provient d’une bande de donnée.

Saturation de l'information.

En conclusion, on pense faire un pas vers l’écologie à travers le numérique. Mais comme pour toute chose, l’abus est nocif. Je me suis rendue compte à travers ce projet qu’outre le fait d’être une pollution, les e-mails sont devenus un viaduc d’absorption personnalisé. Nous recevons tellement de mails que beaucoup de personnes ne prennent même plus la peine de les ouvrir. Et ce stockage réclame énormément d’énergie.

Expérimentation. Le charbon projeté dans l'oeil est une métaphore. Tout est devant nous en permanence. 

 

Je remercie ma petite soeur Éléonore,
ainsi que Marieke Jallet,
pour leur aide précieuse.
Merci également à ma famille
pour le soutien qu’elle m’a apporté
tout au long de ce projet.