Le projet proposé résulte d’un sujet qui me tient tout particulièrement à coeur : la dyslexie, et plus particulièrement la dysorthographie. En effet, je suis moi-même dyslexique dysorthographique.
La dyslexie est un handicap invisible reconnu mais ni connu, ni compris par tous.
Dans un monde régi par des normes sociales où les dyslexiques ne peuvent pas facilement trouver leur place, je me suis questionné : Comment faire comprendre que la dyslexie n’est pas qu’un “petit” handicap ? Comment un dyslexique peut-il s’exprimer différemment, sans crainte ? Comment démontrer l’avantage qu’il peut y avoir à être dyslexique?
La sensibilisation par le graphisme permet de mettre en avant toute la créativité des dyslexiques avec les mots. L’ajout d’une touche d’humour est essentielle chez le dyslexique pour le décomplexer du trouble.
Le graphisme comme moyen d’expression pour les dysorthographiques, afin de s’affirmer dans la société?
L’objectif de cette démarche est d’ouvrir la société à ce handicap, de casser les codes ancrés dans nos esprits quant à l’orthographe. Nous vivons dans une société avec des codes d’écriture d’orthographe assez stricts dans lesquels les dyslexiques ne peuvent se retrouver. Pourquoi pénaliser des individus qui ne peuvent pas maîtriser l’orthographe parfaitement dû à un trouble ? Si le mot est compréhensible pourquoi est-il considéré faux si il y a une faute? Qu’est ce qu’une faute après tout ?
La question est de savoir comment, par le biais du graphisme à touche humoristique, réussir à décomplexer les dyslexiques face à leurs difficultés, sans pour autant les victimiser ?
Comment répondre à toutes ses questions ? Avec mes recherches et les expériences menées au préalable, l’action collective me semble une bonne alternative. Elle aurait pour but de sensibiliser en groupe et de faire connaître la dyslexie.
Le but de « Et aolrs ? » (action collective) est de proposer des ateliers d’environ deux heures aux personnes dyslexique qui le souhaitent. Ces ateliers ont pour objet de décomplexer le dyslexique et d’informer la société des difficultés qu’il rencontre, mais également de son vaste potentiel. Utiliser ses « différences » à son avantage, en créant du contenu graphique mettant en avant la créativité de l’orthographe et la représentation visuelle que celui-ci s’en fait : l’ensemble se traduit par la réalisation d’affiches et d’un dictionnaire collectif.
La typographie est une notion importante pour la compréhension de lecture, en particulier pour les dyslexiques. ROSINE SANTOS a mené une étude sur l’identification des lettres chez les enfants dyslexiques : elle constate qu’il y a une confusion entre des lettres visuellement proches, et qu’il est encore plus difficile lorsqu’il est nécessaire de passer d’une typographie à un autre. Elle l’explique ainsi :
L’enfant va écrire en cursif, lire des polices scriptes, et va devoir s’adapter à des variations typographiques comme les empattements ou les caractères pédagogiques. Exemple : Une police à empattement a un “ petit trait ” qui n’est pas pertinent, alors que la hampe (grand trait) du “ h ” est essentielle à la lettre car elle la distingue du “ n ”.
Par conséquent, pour ce projet, un travail de réadaptation de la typographie Myriad pro bold en écriture cursive a été réalisé (tout en gardant les code de lisibilité de la Myriad). Cette nouvelle typographie appelée Andréa est utilisée pour le logo « Et alors? » ainsi que pour les titres. Le choix de recréer une typographie et de ne pas en utiliser une comme « open dyslexia » (une typographie adaptée aux dyslexiques), est de donner à « Et aolrs ?» son identité typographique.
Les ateliers d’affiches se sont décomposés en deux étapes en vue de la situation du covid 19.
Tout d’abord, une premier étape durant laquelle avec deux individus dyslexiques nous avons recensé plusieurs impressions de « dyslexiques ». Sur base d’un manifeste, nous avons créé une banque de données de motifs représentant les expressions, afin de les mettre à disposition dans la seconde étape des atelier.
Ci-dessous vous trouverez toutes les règles qui régissent la production dans les ateliers. Ces règles sont là pour uniformiser la production et créer l’identité de « Et aorls ». Si vous ne respectez pas ces règles, vous n’aurez pas de sucette à la fin de la séance. De plus, vous serez dans l’obligation de recommencer votre production. Si vous voulez que celle-ci soit publier; devenir une star internationale de grande renommée; représenter « Et aolrs » au festival de Cannes en 2021 et avoir votre étoile sur Hollywood Boulevard.
Les affiches :
- Toute les affiches doivent être composées d’une expression de dyslexique. C’est à dire une expression détournée ou dite « mauvaise » et sa traduction visuelle ( une dessin)
- Les formats d’impression autorisés sont A1 (584×841) au maximum et au minimum A5 (148×210)
- Les couleurs autorisées sont le bleu, le rouge, le noir, et le blanc de papier.
- Seulement deux couleurs au maximum sont autorisées sur les affiches en plus du blanc du papier.
- Toutes les productions d’affiche seront soumises à l’ensemble des participants pour sélectionner celle qui seront reproduites en plusieurs exemplaires afin de les publier dans les villes, par exemple, pour la campagne de sensibilisation.
- Toute les affiches validées seront produites en plusieurs exemplaires avec le procédé d’impression de la sérigraphie ou du pochoir.
Le dictionnaire :
- Il est interdit de mettre le mot sans « fautes » a côté de l’interprétation du mot. C’est un dictionnaire de dyslexique, seul les mots des dyslexiques y sont autorisés.
- L’orthographe du mot n’est pas définitif : plusieurs orthographes du mot peuvent êtres présentés.
Général :
- Pour les visuel : la peinture , le feutre, les crayons ou tous autres outils sont autorisés avant la reproduction en plusieurs exemplaires.
- Les visuels doivent être simple à comprendre.
- Une touche d’humour doit toujours être présent dans n’importe quel support.
- Les ateliers doivent être conviviaux.Chaque passage dans les ateliers doit être marqué d’un petit mot qui vient du coeur qui doit être réaliser pour accompagner la production et l’émotion du moment.
- Le petit mot peut être ce que l’on souhaite : il est entièrement libre.
- Aucune signature personnelle doit être imposée sur les productions : elle reste sous le nom de l’action collective « Et aolrs ».
- Toute les productions produitent dans les atelier pourront être publiées sur le compte instagram de « et aorls » sans besoin d’autorisation.
- Tout les témoignages et petits mots laissés pourront également figurer sur la page instagram de « et aolrs » avec autorisation de la personne qui sera citée.
La seconde étape est de proposer au public les ateliers de création manuelle. Pour cela plusieurs matériaux ont été mis à disposition selon le manifeste et la « banque de données » réalisés au préalable (Atelier 1) :
- Des pochoirs de motifs (x5)
- Des motifs en lino gravure (x5)
- Un pochoir typographique
- De la peinture ( Rouge / Bleu / Noir)
- Des crayons de couleurs ( Rouge / Bleu / Noir)
- Des feutres ( Rouge / Bleu / Noir)
- Des bombes de peinture ( Bleu / Rouge / Noir)
- Des feuille A4
Les créateurs ont l’entiereté de la feuille blanche pour s’exprimer. Les outils de motifs et de typographie sont là pour venir en aide aux personnes qui ne se sentent pas à l’aise avec le dessin et le graphisme typographique. Les expressions sont un support de départ : rien n’empêche le participant à créer d’autres expressions. Le nombre de production n’étant pas limité, le participant dispose de 2 heures pour ses réalisations. Tout est possible, dans le cadre du manifeste.
Chaque production est accompagnée d’un mot du créateur sur son ressenti ou autre ; libre à lui de s’exprimer comme il le souhaite.
Les affiches sont construites à partir des productions des participants aux ateliers physiques ou virtuels. Elles sont composées sur un axe central en forme d’écusson pour donner un aspect de « rassemblement » ou « d’apartenance » à un groupe : celui des dyslexiques. Comme pour montrer qu’on est fier de l’être.
Le motif qui illustre l’expression est en bleu et la citation en rouge. En dessous, on retrouve les informations utiles pour l’action collective. Le choix de la mise en page simple est un partie prit pour faciliter, une fois de plus, la lisibilité et par conséquent, la lecture rapide et simple de l’information : Deux notions importantes pour un dyslexique.
Pour l’impression des affiches, j’aurai aimé qu’elle soit réalisée par sérigraphie. Pour autant, dans le cadre actuel du coronavirus, cela fut impossible.
La galerie « le fanzine » est composée d’un recto, où se trouve la production et, au verso, le message ajouté par le créateur s’il a souhaité en laisser un. Ce support a pour but de publier et promouvoir le travail des participants. Aucune production n’est jugée mauvaise ou devant être abandonnée. Le principe de « fanzine » serait de pouvoir en proposer un chaque année, qui compilerait les productions et leurs messages en les mettant à l’honneur.
Concernant le dictionnaire, j’ai fait le choix de toujours utiliser des écussons avec quelques variantes de couleurs. Le but est de mettre en avant l’orthographe du dyslexique sous une illustration, puis une explication simple de « pourquoi » le dyslexique l’a écrit de cette manière, et en dernière lecture, la définition du dictionnaire du mot.
Dans le dictionnaire, les mots sont ceux de dyslexiques, ils n’ont pas de fautes et sont créatifs. On retrouve la typographie Andréa pour les titres et la typographie Avenir pour les définitions. Pour les illustrations, le choix est de garder l’unité graphique. Le choix d’illustrer les mots n’est pas que graphique mais aussi pour aider quant à la lisibilité. Les dyslexiques ont davantage de facilité à s’imaginer et à identifier un mot par un visuel que par son « écriture ».
Ce jeu a des règles simples : On tire une carte « Réplique » qui donne le choix entre deux débuts de citation ; grâce aux cartes « Réflexion », quatre propositions de fin de citation sont proposées : cette carte est donc valable pour quatre tour. Il faut donc trouver la combinaison la plus créative et drôle parmi les quatre réponses proposées. Si on ne trouve pas ; on descend « l’échelle » des cartes « Et aolrs ? » . Et une fois arrivé à « tu as perdu » le message est plutôt claire.
Ce jeu est une réinterprétation du jeu « ta gueule » mais avec des citations. Si j’ai choisi ce jeu, c’est pour sa simplicité. De plus, ce jeu serait utilisé lors des ateliers pour la détente, qui est le maître-mot, et non pas pour une utilisation commerciale ou diffusible. C’est un jeu en exemplaire unique pour « Et aolrs?« .
Instagram est un support numérique intéressant pour la diffusion. Celui-ci touche un large public et peut permettre une sensibilisation et une incitation à rejoindre l’action. Ce support reprendrait comme contenu des témoignages, des citations, ainsi que des productions des ateliers. Cette diffusion au plus grand nombre est aussi un moyen de publier quelques choses dont on est fier et par la même, se décomplexer tout en informant un public large.
Je voudrais donner un aspect « atelier de production » à la scénographie en affichant sur les murs avec un simple scotch, les inonder d’affiches et recréer le côté « fouilli ».
De plus, il serait intéressant de reprendre la méthode de séchage avec des cordes ornées d’affiches en train de sécher.
Le but est de recréer l’atmosphère des ateliers clandestins de mai 68 sans pour autant être dans un atelier de mai 68, car ce n’est qu’une inspiration. Je me suis donc posé la question de savoir comment peut-on s’en inspirer, tout en le modernisant et comment reprendre la scénographie tout en disparaître l’idée très politique de l’époque.
Ce qui découle des recherches préalablement faites dans mon mémoire sont, un état des ateliers et beaucoup de discussions avec des dyslexiques. Ces ateliers, qui ont été compliqués à mettre en place car je ne savais pas comment aborder ni le sujet ni les personnes, ont finit par se tenir très naturellement. Dans un premier temps, il fallait instaurer des environnements détendus afin que les personnes dyslexiques se sentent dans une bonne entente et détendues, ambiance nécessaire et très importante dans mon développement afin de dé-complexifier l’écriture. Malheureusement avec la pandémie du COVID 19, je suis rentrée en France auprès de ma famille, il a fallu alors trouver une alternative aux ateliers ( Atelier 1). Heureusement, les candidats ont accepté de continuer et ont bien voulu se prêter aux ateliers. Il y a même d’autres candidats qui se sont ajoutés disposant de temps libre lors du confinement et avec qui j’ai pu communiquer très régulièrement via les réseaux sociaux. Nous avons donc pu au rythme de chacun faire des ateliers de création graphique pour traduire et interpréter visuellement les mots.
Ces ateliers n’avaient pas qu’un but créatif, ils avaient aussi un but humain, de pouvoir échanger par des discussions autour des parcours, des vécus; de pouvoir écrire, créer sans jugement et toujours avec humour. Pari que je considère être réussi. En effet, les recherches théoriques ont intéressé les autres dyslexiques qui ont, eux aussi, pu comprendre un peu mieux leur trouble et leur potentiel. Les retours positifs de cette expérience sont nombreux et encourageants. les candidats se sont sentis “libres” et en confiance de pouvoir écrire des “ âneries”. Ma plus grande satisfaction, et ce que je considère être le résultat à souligner est d’avoir réussi à décomplexer légèrement un dyslexique qui se sentait dans une spirale infernale face à son handicap et qui n’en voyait aucun potentiel.
Malgré toute la complexité qu’a eu ce projet, cela reste une très belle expérience, une fierté et une revanche sur les préjugés d’être dyslexique.
Si j’avais eu un temps plus long et pas de confinement, j’aurais aimé développer plus profondément le sujet car, celui-ci n’est pas complet à mes yeux. Il serait intéressent de pouvoir le poursuivre et continuer à étoffer le contenu et en proposer de nouveau.
J’espère que ce projet vous aura intéressé, merci de votre intention.